Le «Week-end» est habituellement présenté par la critique comme un chef-d'oeuvre du maître de la Nouvelle Vague, un vrai film de la rupture.
Quant à Godard lui-même, il l’a qualifié de «film égaré dans le cosmos» ou «film trouvé à la ferraille». Commentaires de l’auteur: «Week-end,
je ne sais pas comment le présenter. C'est un film qui déplaira sûrement à la majorité de spectateurs… Parce que c'est très méchant, grossier, caricatural. C'est fait dans
l'esprit de certaines bandes dessinées d'avant-guerre. C'est plus méchant qu'Hara-Kiri.» (Télérama, janvier 1968).
C’est vraiment très méchant. D’une part, les petits bourgeois
«crétins du 16ème arrondissement» – menteurs, prêts à tuer leur propre mère pour de l’argent, égoïstes indifférents, massacrant sans hésiter sur leur chemin tout ce qui ne peut leur servir,
sont passés au crible de la critique acerbe allant jusqu’à la dérision, et avec eux, toute la société de consommation qui s’en va chaque week-end se (faire) massacrer sur les autoroutes comme des moutons.
D’autre part, sont impitoyablement ridiculisés, un an avant mai 1968, les cellules radicales de l'extrême-gauche de l'époque (UNS qui pratique la Révolution Française aux pique-niques
du week-end, l’imaginaire Front de Libération de Seine et Oise, une parodie atroce de la guérilla ou encore le discours révolutionnaire politique du tiers monde dans la bouche de deux éboueurs).
Сette vanité révolutionnaire inutile est représentée aussi par le «Saint-Just» de l’UNS qui lance son discours (en fait, les phrases décousues et arrachées de son contexte) dans l’air au milieu d’un pré,
le lisant, on le voit trop bien, dans l’édition des Œuvres choisies du vrai Saint-Just.