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En mars 1794, Saint-Just quitta l'hôtel des «Etats-Unis» de la rue Gaillon, pour aller s'installer dans un appartement au au N°3, rue de Caumartin. Une erreur
très répandue dans les guides touristiques des lieux révolutionnaires, fait croire qu'il s'agit de l'actuel N° 1-3 de la rue Caumartin, un luxueux immeuble
d'angle où Mirabeau avait logé à ses heures. Une recherche approfondie sur les
logements parisiens de Saint-Just démontre qu'il s'agit en réalité d'un autre immeuble, bien plus modeste: le N°5 actuel.
Situé au second étage au-dessus de l'entresol (second étage actuel, l'entresol ayant depuis disparu pour augmenter la hauteur du rez-de-chaussée),
l'appartement occupé par Saint-Just était distribué en une antichambre, salle à manger, salon, chambre à coucher, et deux garde-robes avec un cabinet de
toilette. Le salon était lambrissé à hauteur d'appui, avec deux glaces, une au-dessus de la cheminée et une autre en répétition. Il y en avait également
une sur la cheminée de la chambre et une autre dans le cabinet de toilettes (à l'époque, les glaces, montées sur les murs ou les cheminées, faisaient partie
intégrante de la maison et étaient vendues avec, leur prix étant souvent précisé à part).
Se débarrassant de la vie hôtelière qui ne lui convenait visiblement plus, Saint-Just prit non seulement un logement plus spacieux, mais en plus, il
logeait désormais dans du neuf: une trentaine d'immeubles formant le début de la rue Caumartin venait d'être constuite dans les années 1980.
L'immeuble de la rue Caumartin était bien moderne pour l'époque puisqu'équipé des sièges à l'anglaise qui ne sont autres que les ancêtres
directs de nos actuels WC. Notons aussi la présence d'une salle de bains attestée par le procès-verbal de mise sous scellées de l'appartement le 9 thermidor,
presque le signe d'un luxe extravagant pour l'heureux XVIII siècle; au milieu du XIX siècle encore, un bain à domicile demeure bien souvent un luxe... Enfin,
la présence d'une pompe à l'eau dans la cour facilitait avantageusement l'approvisionnement de ces installations en eau, faute d'eau courante dans les
immeubles d'alors.
D'après l'inventaire de ses biens confisqués après le 9 thermidor, Saint-Just préférait les nuances bleues dans la décoration: les fauteuils et les chaises
y étaient tapissés de velours damassé bleu, et une couchette à la turque et ses étoffes, les rideaux croisés et le paravent respectaient la gamme.
Le domestique du conventionnel, Ghislain François Villers, habitait la même maison, dans une chambre à l'entresol (étage des cuisines et logements de
domestiques). Victor Thuillier, son ami qui cherchait à déménager de Blérancourt à Paris, était hébergé dans cet appartement du printemps 1794 jusqu'au 10
thermidor. Signalons également quelques connaissances dans le voisinage immédiat: le conventionnel Arbogast logeait au 3ème étage du même immeuble, et Prieur
de la Côte d'Or habitait l'immeuble voisin...
Saint-Just ne profita pas longtemps de toutes ces «commodités neuves et précieuses» qu'offrait son nouvel appartement: sur les cinq mois qu'il lui restait à
l'occuper, il en passa deux en mission aux armées. Après sa mort, c'est le conventionnel Izoard qui loua cet appartement pendant une courte période.
Au fil des siècles, le N°3 de la rue Caumartin, devenu après 1850 N°5, abandonna peu à peu sa destination habitable au profit des locaux commerciaux.
Malgré de nombreuses modifications qu'il a subies à l'intérieur, on y distingue encore la structure d'origine de l'immeuble, avec ses trois fenêtres sur la
façade. Acquis en 2015 par la société immobilière Immorente Sodify, le bâtiment est actuellement en passe de devenir un hôtel de luxe. L'association pour la
sauvegarde de la maison de Saint-Just milite pour l'apposition d'une plaque commémorative rappelant le séjour de Saint-Just dans ces murs.
Carte postale datant du début du XX siècle,
avec la vue du début de la rue Caumartin. On peut y remarquer, à la suite de l'immeuble d'angle, un immeuble étroit à 3 fenêtres sur la façade - c'est le N° 5 |
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Un lit à la turque style Louis XV, exemple du mobilier
de Saint-Just
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Dessin représentant la façade de
l'immeuble en 1930, avec l'entresol encore présent |
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L'immeuble N°5 rue Caumartin en septembre 2009 |
Mise en ligne: 19 janvier 2009. Mise à jour: 3 novembre 2017
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