Au début des Etats-Généraux, il y avait à Versailles, un groupe de députés bretons qui se rassemblaient au café Amaury en dehors des séances pour y discuter
informellement des événements et de la conduite à adopter. Rapidement rejoints par d'autres députés de gauche (dont Robespierre), ils formèrent ainsi le
Club Breton qui ne cessait de s'agrandir depuis. Devenu «Société des amis de la Constitution» après le déménagement de l'Assemblée à Paris en octobre 1789,
le club a élu comme lieu des séances, le vaste couvent des Jacobins, au 328 rue Saint-Honoré; c'est sous le nom de Club des Jacobins qu'il est entré dans l'Histoire
et c'est dans ces murs qu'il est resté jusqu'à sa fermeture en novembre 1794. Notons toutefois que le sobriquet de «Jacobins» lui fut surtout attribué par les ennemis de la
Révolution et même s'il a perdu depuis toute consonance péjorative, Robespierre, son membre le plus éminent, rappelait toujours son nom: «Société des Amis de la
Liberté et de l'Égalité», pris par le club après le 10 août 1792
Les premières réunions ont eu lieu dans le réfectoire, puis ont pris la bibliothèque sous les combles de l'église située dans la cour du couvent; mais
l'affluence fut telle qu'en 1791, le club occupa déjà toute l'église, réaménagée en conséquence et dotée des gradins pour le public. En effet, le Club des Jacobins devint
le club le plus populaire de France, avec des centaines des sociétés affiliées en province (600 à 800 en mai 1793). Y être membre fut le rêve défendu de Saint-Just; l'adhésion au
Club fût en effet soumise à conditions: il fallait être parrainé par les membres du club et payer le droit d'entrée de 12 livres et la cotisation annuelle de 24 livres,
somme assez élevée pour l'époque.
Le rêve s'est réalisé en 1792, après que Saint-Just fût élu député à la Convention. Parrainé probablement par Robespierre en personne, Saint-Just a suivi
avec assiduité et enthousiasme les séances de la Société faisant son apprentissage de la vie politique
parisienne, et c'est à la tribune des Jacobins qu'il a pris pour la première fois publiquement la parole à Paris, le 22 octobre 1792. Sa carrière y était rapide: le 15 novembre,
il devient membre de la commission en charge de la nouvelle constitution, et le 24 décembre 1792, soit trois mois seulement après son adhésion, il est élu le Président du
Club, honneur qui ne laisse pas de doute que ses talents ont été remarqués par les Amis de la Liberté et de l'Égalité. Le 31 mars 1793, de retour de sa première mission,
c'est à la tribune du Club que Saint-Just livre ses impressions et conclusions et accuse le ministre de la guerre de trahison.
Le rythme de la Révolution s'accélérant considérablement durant l'année 1793 et Saint-Just étant de plus en plus pris par les affaires du comité de Salut public dont
il faisait partie depuis mai 1793, ses visites aux Jacobins ont dû s'espacer, surtout que depuis octobre 1793 il s'absentait souvent pour les missions aux armées. A quel
moment Saint-Just a-t-il conçu de la déception vis-à-vis du Club? Serait-ce en Alsace où les commissaires n'ont point trouvé le soutien escompté de leur politique
révolutionnaire auprès des sociétés populaires? Toujours est-il qu'au moment des affrontements entre les dantonistes et les partisans d'Hébert, Saint-Just est déconnecté
de la vie du club; il y sera désormais hôte rare résumant, paraît-il, «on n'y exerce que de la censure et n'y médite point de travaux»...
Aujourd'hui, que reste-t-il du Club des Jacobins? Rien. Le Club fut fermé sur décision de la Convention le 26 novembre 1794. Le bâtiment du couvent fut rasé
en 1806 laissant la place au marché couvert, et le quartier, entièrement transformé depuis. L'entrée au Club se trouvait au débouché de la rue actuelle du
Marché Saint-Honoré, et c'est la galerie commerciale, immeuble moderne en verre, qui occupe l'emplacement de l'ancien Club des Jacobins. Il ne nous reste
plus qu'à imaginer les murs qui ont vu et entendu Saint-Just.