A la place de ce beau bâtiment blanc au n° 4-6 de la rue Picpus, se trouvait au XVIII siècle une maison de correction créée en 1785, acronyme de sa directrice, Madame Marie de Sainte-Colombe. La tradition
historique bien enracinée veut que le jeune Saint-Just fût l'un de ses pensionnaires involontaires.
Selon la version traditionnelle, le séjour de Saint-Just dans les murs de cet établissement aurait duré du 6 octobre 1786 au 30 mars 1787, après que dans la nuit du 15 septembre 1786, il se serait enfui de la
maison maternelle de Blérancourt dans la direction de Paris, en emportant avec lui quelques menus objets de l'argenterie familiale. Sa mère avait obtenu sa détention suite à une lettre de cachet (un seing-blanc permettant
l'arrestation et la détention sans autre raison que la signature royale) car les raisons légales de cet emprisonnement furent assez discutables - héritier légitime de son père, le jeune homme récemment émancipé,
pouvait parfaitement avancer son droit de disposer de ces biens.
Les opinions des historiens sont divisées à ce sujet. Si pour D. Centore-Bineau, A. Soboul, M.-A. Charmelot et B. Vinot la détention de Saint-Just dans la maison Sainte-Colombe ne fait aucun doute,
E. Hamel, Ch. Vellay et A. Ollivier affirment que l'histoire de son incarcération n'est autre chose qu'une invention calomnieuse postérieure aux événements en question. La famille Saint-Just
non plus, n'avait jamais parlé d'un emprisonnement. Avec tout le respect dû aux vénérables historiens Soboul et Vinot, force est de constater qu'au moins un argument de leurs adversaires sonne juste: une enquête
sur les "triumvirs" ordonnée après le 9 thermidor par la Convention, s'est soldée à Blérancourt (et ailleurs) par des résultats bien minces en matière d'éléments compromettants et ne fait aucun état de cette peu attrayante affaire.
De plus, elle n'a jamais été exploitée ni par le notaire Gellé et Cie à Blérancourt, ni plus tard par les ennemis de Saint-Just à Paris et surtout lors de la terrifiante campagne post-thermidorienne de diffamation quand,
en manque monstrueux de faits compromettants, les pamphlétaires furent obligés de les inventer purement et simplement, et n'a été "mise en circulation" qu'à la Restauration.