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Depuis l'été 93, les armées du Rhin et de la Moselle essuyaient défaite sur défaite. A la mi-septembre 1793, l'armée de la Moselle fut battue par les Prussiens
sous le commandement de Brunswick, Pirmasens laissé à l'ennemi et la place de Bitche bloquée. Le 13 octobre 1793, les Autrichiens commandés par Wurmser,
battirent l'armée du Rhin, forcèrent les lignes de Wissembourg, bloquèrent Landau et envahirent l'Alsace, poussant jusqu'à Strasbourg. L'ennemi était à
quelques lieues de la ville qui, malgré ses solides fortifications, était gravement ménacée, et la voie sur Saverne et toute la Lorraine ouverte.
C'est dans ces conditions que le Comité de salut public envoie en mission, le 17 octobre 1793, Saint-Just et Lebas, pour «prendre connaissance des événements
qui ont eu lieu à Wissembourg et à Lauterbourg et prendre les mesures de salut public qu'ils jugeront nécessaires». Ainsi débutait la grande mission de
Saint-Just en Alsace qui a duré plus de 2 mois et apporta la victoire à la République française. Durant ces 2 mois de saison rigoureuse, Saint-Just et
Lebas avaient sans repit emprunté les routes entre Saverne, Strasbourg, les camps militaires, les quartiers généraux et les points stratégiques:
Bitche, Haguenau, les Deux-Ponts... Ils avaient sillonné toute l'Alsace, ils étaient partout, et pourtant, point n'est facile d'identifier aujourd'hui les
lieux liés à leur présence en Alsace en général et à Strasbourg en particulier... Néanmoins, c'est mission réussie pour certains d'entre-eux. |
Lors de leur séjour à Strasbourg, Saint-Just et Lebas ont logé dans les appartements de l'Hôtel de la Prévôté situé rue de la Nuée Bleue. Le bâtiment existe
toujours et abrite aujourd'hui la Direction portuaire. On peut supposer que son intérieur a bien changé depuis 200 ans, mais le balcon, dont parle Charles
Nodier et d'où Saint-Just aurait contemplé l'entrée scandaleuse de Schneider, l'accusateur publique du tribunal de Strasbourg, juste après son mariage,
ce balcon donc est bien là.
Le centre historique de Strasbourg conserve toujours son irresistible cachet. Faisons abstraction des néons de vitrines et des panneaux de circulation, nous
voilà dans les mêmes décors où Saint-Just, «en civil», abandonnant son costume de représentant en mission, avait un soir mêlé ses pas à ceux de passants. Une
anecdote curieuse nous dit que lors de cette ballade, un officier lui a demandé le chemin de la Comédie, alors que Saint-Just avait rendu un decret interdisant
aux officiers de quitter les camps militaires... Au lieu de spectacle, l'officier perdu avait écopé de 10 jours d'arrêt, et pourtant, le théâtre était juste
à côté...
Tous les «points stratégiques» de la ville sont d'ailleurs à proximité immédiate. La municipalité, avec le jeune Monet, fidèle à la Révolution, comme maire,
est rue Brûlée. La société populaire locale, à laquelle Saint-Just avait adressé un nombre de messages, se réunit au voisinage, dans une salle au Munsterhof,
rue des Juifs. La place de la Maison-Rouge (actuelle place Kléber) où la guillotine est dressée, n'est pas loin; c'est là que seront exposés les riches de
Strasbourg peu pressés de satisfaire à l'emprunt décidé par Saint-Just, puis Schneider, arrêté pour avoir «insulté aux moeurs de la République par le faste
insolent» dont il s'entourait.
On ne saurait oublier la superbe Cathédrale de Notre-Dame-de-la-Nativité. Saint-Just passe toujours pour un vandale ayant
ordonné sa déstruction... La Cathédrale est bien portante aujourd'hui, mais presque 200 statues ont hélas, disparu dans le tourbillon révolutionnaire. Le
Grand Séminaire, accolé à la Cathédrale, fut transformé en prison pendant la Révolution; pourtant, ce n'est point ici, mais à Metz et Besançon, loin des frontières,
que Saint-Just avait envoyé les administrateurs arrêtés suite à un soupçon d'intelligence avec l'ennemi.
En visitant le Musée historique de la ville de Strasbourg, vous ne trouverez, hélas, pas beaucoup d'informations concernant le passé révolutionnaire de la ville,
juste deux ou trois gravures et autant de tableaux. C'est anécdotique, mais il n'y a pratiquement rien sur la mission de Saint-Just, même les célèbres «10 000
paires de chaussures en marche pour le quartier général» ont évité le musée sur leur passage. Il s'y trouve tout de même une curiosité digne d'attention. En
effet, l'un des arrêtés de Saint-Just et de Le Bas invitait les Alsaciennes
de «quitter les modes allemandes puisque leurs coeurs sont français». En conséquence, les femmes
ont abandonné leurs coiffes nommées «schneppenhaube», comme nous l'atteste
une gravure représentant l'holocauste desdites coiffes. Toutefois, l'une d'elles, probablement sauvée du «vandalisme révolutionnaire» par une courageuse
Strasbourgeoise inconnue, peut être admirée au musée. C'est le meilleur souvenir de Saint-Just qu'on y trouve... Oyez, oyez, bonnes gens de Strasbourg, 200 ans de
rancune pour 3 (trois) caisses de schneppenhaube, n'est-ce pas exagéré?
Quelques photos
L'Hôtel de la Prévôté d'après une gravure du XIX siècle |
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Même bâtiment aujourd'hui |
La Comédie dont le chemin est parfois si difficile à trouver |
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Les rues de Strasbourg |
Le Munsterhof, qui abritait la société populaire de Strasbourg |
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Place de la Maison-Rouge. Sous la Révolution, une guillotine se dressait ici |
L'incomparable Cathédrale de Strasbourg |
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Le Grand Séminaire, une prison sous la Révolution |
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