Site Internet de Louis-Antoine Saint-Just _ Notices biographiques



ALBERT SOBOUL
Dictionnaire historique de la Révolution française.
Publié sous la direction scientfiqiue de Jean-René SURATTEAU et François GENDRON
P.U.F., 1989

Par Bernard VINOT

SAINT-JUST, Louis-Antoine de. Decize (Nièvre), 25 août 1767 - Paris, 28 juillet 1794.

Saint-Just est né d'un père quinquagénaire, capitaine de cavalerie, et d'une mère issue de la bourgeoisie decizoise. Il vécut jusqu'à neuf ans dans ce milieu de notables nivernais sous le toit du grand-père maternel où ses parents avaient été hébergés. C'est pourtant l'influence du père, héros des guerres du XVIII siècle ayant gagné la croix de Saint-Louis après une longue et rude carrière, qui semble avoir été la plus décisive. Le futur conventionnel fera preuve souvent de ces qualités éminemment militaires que sont le sens de l’autorité, la rigueur de principe, l'esprit de décision.

En 1776, monsieur de Saint-Just regagne sa Picardie natale où ses ancêtres, fermiers depuis plusieurs générations, lui avaient laissé quelques biens. Moins d'un an avant de mourir, il installe sa famille à Blérancourt (Aisne) dans cette vaste maison encore visible aujourd'hui où Louis Antoine séjournera jusqu'à l’âge de 25 ans.

A 12 ans, il entre chez les Oratoriens au Collège Saint-Nicolas de Soissons (aujourd'hui collège Saint-Just) qui brille alors d'un vif éclat. Les prix qu'il obtient témoignent de ses bonnes aptitudes intellectuelles mais l'éducation étroitement religieuse, le libéralisme trop sage de ses maîtres et la discrète censure qui s'exerce à l'encontre des idées les plus hardies de la philosophie des Lumières en font très tôt un rebelle.

D'autant plus qu’à peine sorti du collège, à la suite d'une dispute familiale et d'une fugue, sa mère le fait arrêter à Paris et obtient à son encontre une lettre de cachet. II met à profit une détention de six mois pour commencer la rédaction d'un poème scandaleux de près de huit mille vers, Organt, violente satire contre les institutions politiques et religieuses qui paraîtra quelques jours avant la réunion des États généraux.

Dès les premiers soubresauts de l'été 1789, il entre en complicité avec le petit peuple de manouvriers, jardiniers, tisserands et artisans de Blérancourt. Pendant trois ans, usant tour à tour de la persuasion, de la conciliation ou de l'intimidation, il partage leurs espoirs et anime leurs combats. Pour changer les choses, il recourt alors davantage au réformisme (c'est au cours de cette phase qu'il faut placer son très sage essai: Esprit de ta Révolution et de la Constitution de France) qu’à la violence révolutionnaire, mais comprend à l'épreuve des faits l'inanité de la négociation avec une aristocratie bien décidée à conserver ses privilèges.

L'expérience de ce coude à coude avec les gens de la terre est capitale dans la vie de Saint-Just. Elle explique ses préférences pour l'agriculture, ses choix en faveur de la petite propriété, ses préventions à l'encontre des marchands, des rentiers enrichis, des nobles. Elle lui inculque le sens du concret. Peu de députés auront côtoyé d'aussi près que lui les paysans qui l'enverront siéger à vingt-cinq ans sur les bancs de la Convention.

Au cours de ces années picardes, Saint-Just s'est converti à l'idée d'une révolution sociale. Aussi s’agrège-t-il au groupe des Montagnards avancés qu'anime Robespierre. En cette ère girondine, ce n'est pas un choix d'opportunisme! Inconnu la veille, le jeune député de l'Aisne devient brusquement populaire dans tout le pays en prononçant à la Convention, le 13 novembre 1792, un violent réquisitoire contre Louis XVI, naturellement coupable puisque «tout roi est un rebelle et un usurpateur» et qu'«on ne peut point régner innocemment». Sa jeunesse, son allure, la fermeté et la passion de son argumentation pèsent lourd dans la condamnation du roi. Ce coup d'éclat révèle un des meilleurs orateurs de la Révolution. Dans les situations difficiles, il sera désormais le porte-parole attitré.

Entré au Comité de salut public en juin 1793, il va pendant un an donner toute la mesure de son énergie et de son talent, notamment en participant à la rédaction de la nouvelle constitution, en exerçant son influence sur toutes les grandes décisions gouvernementales et en jouant un rôle éminent dans la défense de la patrie républicaine. Ainsi, en l'an Il, ne passe-t-il pas moins de 146 jours aux armées. Commis voyageur du Comité, il est l'un des grands artisans des victoires de Landau à l’armée du Rhin (décembre 1793) et de Fleurus à l’armée du Nord (juin 1794).

Intégré au noyau dur de la Montagne, il ne se contente pas de la liberté et de l'égalité des droits dès 1789 mais souhaite doter la Cité future d'un contenu moral et social en l'ancrant sur des Institutions républicaines telles que, comme dira Fichte, «tous [soient] toujours d'accord» et qu'il n'y ait «plus besoin de juges pour terminer leurs différends».

Personne ne donne autant que lui aux démunis l'espoir de pouvoir changer la vie. En ventôse (février-mars 1794), il affirme que «le bonheur est une idée neuve en Europe» et pour ne plus voir «un malheureux ni un oppresseur sur le territoire français», il propose de distribuer aux patriotes indigents les biens des ennemis de la Révolution. Confronté à une succession de tâches redoutables: révolte fédéraliste, invasion étrangère, opposition des factions, réforme sociale, Saint-Just se fait l'actif artisan d'une politique de circonstance où la fin justifie les moyens. «II faut placer partout le glaive à côté de l'abus en sorte que tout soit libre dans la République excepté ceux qui conjurent contre elle ou qui gouvernent mal». Piétinant les droits des citoyens et de leurs représentants, c'est lui qui, au nom des Comités, lève la hache sur les Girondins, les Dantonistes et les Hébertistes. Mais dans un tel système où les délits d'opinion sont traités en crimes d’État, il finit par être broyé lui-même avec ses amis robespierristes le 9 thermidor an II (27 juillet 1794).

Harassé par les veilles, les interminables séances au Comité et à la Convention, la préparation des discours et rapports, les longs séjours aux armées, écoeuré par le spectacle de la corruption et des rivalités, il recourt à des solutions transcendantes, (culte de l’Etre Suprême) pour réaliser la société d'amis dont il rêvait. Désespérant d’y parvenir, il tombe, passif, «le doigt sur la bouche dans l'attitude de la statue du silence éternel» (E. Quinet).

La mémoire collective associe son souvenir à celui de la Terreur, mais elle retient aussi l'image d'un jeune homme sincère et courageux, ayant toujours adapté ses actes à ses principes. Il n'a pas 27 ans lorsqu'il gravit les marches de l'échafaud après avoir écrit: «je méprise la poussière qui me compose et qui vous parle, on pourra la persécuter et la faire mourir cette poussière! Mais je défie qu'on m'arrache cette vie indépendante que je me suis donnée dans les siècles et dans les cieux». Le charisme qu'a exercé Saint-Just de son vivant n'est pas éteint.

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
Actes du colloque Saint-Just, 1967. - P. DEROCLES (pseudonyme d'Albert SOBOUL), Saint-Just, ses idées sociales et politiques, 1937. - M. DOMMANGET, Saint-Just, rééd. 1971. - E. FLEURY, Saint-Just et la Terreur, 2 vol, 1852. - J.-P. GROSS, L’oeuvre de Saint-Just, 1967. - R. KORNGOLD, Saint-Just, 1937. - A. OLLIVIER, Saint-Just ou la force des choses, 1955. - A. SOBOUL, Grandeur et contradictions de Saint-Just, Cahiers Internationaux, mai 1952. – «Saint-Just», L'Information historique, janvier-février 1956, - Sur la mission de Saint-Just à l'armée du Rhin, AHRF, juillet-décembre 1956. - S. TORJUSSEN, «Fonction de la création littéraire dans l'évolution de la pensée de Saint-Just », La Pensée‚ 1979. – B. VINOT, Saint-Just, 1985.

Mise en ligne: 25 août 2009

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- 25 AOUT 2006 -
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