JEAN TULARD, JEAN-FRANÇOIS FAYARD, ALFRED FIERRO
Histoire et dictionnaire de la Révolution française. 1789-1799.
P., éd. Robert Laffont, 1987
SAINT-JUST, (Louis) (1767–1794).
Archange de la Terreur ou monstre sanguinaire? Théoricien politique lucide ou auteur ridicule de projets qui en restaient à Sparte quand on entrait
dans l'ère industrielle?
«Une lampe dans un tombeau!», disait Barrès. Figure pleine de contradictions dont la mystique de la guillotine nous répugne mais dont la mort en pleine jeunesse émeut.
Fils d'un cultivateur qui fut fait chevalier de Saint-Louis en raison des services rendus dans l'armée, Saint-Just naît le 25 aout 1767 à Decize. Il fait ses études chez les
oratoriens de Soissons et son droit à Reims. Sa jeunesse sera orageuse: il aurait dérobé des objets précieux à sa mère; il écrit un poème érotique, L'Organt, plein
de scènes de bestialité et de viols. Il séjourne à Paris au début de la Révolution, puis rejoint Blérancourt en Picardie où sa famille s'est établie en 1777. Il y prend des
positions avancées: lieutenant-colonel de la garde nationale en 1789, il participe à la fête de la Fédération l’année suivante et aurait escorté la voiture du roi au retour de
Varennes. Élu à la Législative, il doit renoncer faute d'avoir l'âge requis. Un an plus tard, le collège électoral de Soissons l'envoie à la Convention. Ses opinions tranchées
font sensation dans une assemblée où la nuance n'est pourtant pas la règle. Avant le procès de Louis XVI, il s'exclame: «Ou ne peut point régner innocemment. Tout roi
est un rebelle et un usurpateur». Il joue un rôle important dans la lutte contre les Girondins, puis, après son entrée au comité de salut public, contre Danton et les Indulgents.
Il ne pardonnait pas les railleries de Desmoulins. Il fait l'apologie du gouvernement révolutionnaire: «Il est impossible que les lois révolutionnaires soient exécutées si le
gouvernement lui-même n’est constitué révolutionnairement». Il dénonce les pesanteurs bureaucratiques: «Les lois sont révolutionnaires; ceux qui les exécutent ne le sont
pas».
Le théoricien fut médiocre. Les Institutions républicaines sont encombrées de considérations vertueuses où l'on prône un régime végétarien pour les enfants, où
«celui qui ne croit pas à l'amitié ou qui n’a point d'ami doit être banni». Les filles ne pourront paraître en publique sans leurs parents «tant qu'elles seront adolescentes et
vierges». Il va de soi que « les époux qui n’ont point eu d'enfants pendant les sept premières années de leur union et qui n'en ont point adopté sont séparés par la loi». On
pourrait multiplier les citations de Saint-Just qui évoquent Monsieur Prudhomme, plus qu'un homme des lumières.
En revanche Saint-Just fit preuve de plus de réalisme dans ses missions. Du 16 octobre 1793 au 4 janvier 1794, il est à l’armée du Rhin où il rétablit la discipline, nomme
un nouveau commandant en chef et délivre Landau. À la fin du mois de janvier il est dans le Nord et revient à Paris le 9 février 1794. Il repartit à l’armée du Nord le 28 avril.
Il fut rappelé par Robespierre. Était-il en désaccord avec Robespierre? Il ne put lire le discours qu’il avait préparé lors de la séance du 9 thermidor et se laissa arrêter sans
résistance. À l’Hôtel de Ville il paraît frappé d’agonie. Lassitude? Dégoût devant les querelles internes de la Montagne? Il emporte son secret sur l'échafaud le 10 thermidor.
Il avait écrit dans une sorte de testament: «Je méprise la poussière qui me compose et qui vous parle; on pourra la persécuter et faire mourir cette poussière ! Mais je défie
qu'on m'arrache cette vie indépendante que je me suis donnée dans les siècles et dans les cieux».
Mise en ligne: 25 août 2009 |