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B L E R A N C O U R T |
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Blérancourt, vue générale. Carte postale début XX siècle
Après la mort de sa sœur Madeleine en 1776, Louis-Jean de Saint-Just s’est retrouvé seul (sur 11 enfants!) héritier du patrimoine paternel (maison à Nampcel
et 25 ha de terres). Le 16 octobre 1776, il a acheté une maison à Blérancourt, petite bourgade picarde voisine, qui comptait alors 900 âmes et,
comme aujourd’hui, était entourée de champs. La commune n'est point riche; le revenu moyen y est deux fois plus petit qu'aux environs. Outre quelques
familles relativement aisées vivant de rentes, de commerce ou de charges (11 maisons seulement, dont les Saint-Just, ont des serviteurs), la population
y est composée principalement de cultivateurs et de jardiniers, de petits artisans et de métiers liés à la filature et au tissage. Il y a une sage-femme,
un médecin et un curé, pour toutes les occasions de la vie...
Saint-Just a vécu à Blérancourt environ 14 ans, la moitié de sa courte vie. Il a grandi dans ses ruelles, a accompagné au cimetière la dépouille de son père décédé
un an après leur arrivée, a connu ici son premier amour et sa première déception. Blérancourt a servi de cadre à son éveil aux idées nouvelles
apportées par la révolution et à ses premières luttes politiques. Toutes les rues, tous les lieux anciens témoignent de son invisible présence.
PLAN DE BLERANCOURT
Aujourd'hui l'une des constructions les plus anciennes de Blérancourt, bâtie entre 1750 et 1775, la maison achetée par les Saint-Just se trouvait à la sortie
du village, au coin de la rue aux Chouettes et la rue de l’Ancien Jeu de l’Arc (actuellement rue Saint-Just). L’acte de vente datant du 16 octobre 1776,
mentionne plusieurs dépendances (pavillon servant de bûcher et de grange, petit caveau…) ainsi qu’un jardin potager entouré des murs côté rues. D’après
l’acte, l’argent versé pour son acquisition fut puisé dans les sommes personnelles de la «dame Robinot». Les sommes personnelles de madame de Saint-Just
furent assez considérables car l’achat de la maison lui a coûté 6 milles livres, plus 48 livres «de l’épingle» plus 1652 livres de frais de notaire. C’est
bien cette demeure que l’on nomme communément «la maison de Saint-Just». Les Saint-Just s'y sont installés en automne 1776, et notre héros ne la quittera
donc définitivement qu'en septembre 1792 pour aller sièger à la Convention.
Lire la notice historique sur la maison.
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Ainsi est représentée la maison sur une gravure du début du XIX siècle. En 1807, la mère de
Saint-Just avait partagé la maison entre ses deux filles, se réservant le droit d’y vivre jusqu’à sa mort. |
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Voici la même maison aujourd’hui. La représentation la plus ancienne que l’on a pu retrouver, la gravure
a servi de base pour les travaux de restauration qui ont été effectués
avec un grand souci de conservation fidèle des lieux, tant à l’extérieur qu'à l’intérieur. |
La maison comportait 5 pièces + cuisine; trois chambres à gauche du vestibule et deux pièces et cuisine à droite. La mansarde quant à elle, n'était pas habitable
au temps de Saint-Just.
Près de la maison, il y avait alors un jardin d’environ 50 ares dont la fameuse charmille, lieu de repos pour le père et de réflexion pour le fils. Il n'en
reste aujourd'hui qu'un bien modeste terrain et quelques dépendances anciennes. La charmille n’existe plus, mais sur l’une des maisons voisines, une plaque
indique son emplacement. Le lavoir (N°4 du plan) situé près de la charmille est, lui, intact et précieusement conservé.
Il ne reste pratiquement aucun objet domestique du temps de Saint-Just; quant à la maison elle-même, certains détails peuvent se prévaloir d'avoir vu
notre héros: les boiseries de l’escalier de la maison, les poutres apparentes ainsi que la plaque de cheminée à l’angelot sont bien d’époque.
Voir quelques photos de l'intérieur actuel de la maison musée de Saint-Just.
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LE CHATEAU DE BLERANCOURT |
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En 1595, le domaine de Blérancourt fut acquis par Louis Potier duc de Gesvres. Son fils cadet, Bernard Potier de Gesvres, bienfaiteur de Blérancourt,
y fit construire en 1612 un splendide château, oeuvre de Salomon de Brosse et copie architecturale du palais du Luxembourg à Paris. Durant le XVII siècle, le château
a connu une vie mondaine de grand train. Mais malheureusement pour eux, le couple Bernard de Potier de Gesvres et Charlotte de Vieuxpont n’avait point d’enfants.
C'est donc la branche cadette qui a hérité de la demeure, laissée depuis à l’abandon et achetée en 1783 par Jean Jérôme Grenet, puis héritée à sa mort par son
fils, Jérôme Joseph. Demeurant à Lille, les Grenet n’étaient pratiquement jamais à Blérancourt se contentant de récupérer les revenus de leur domaine. Entre 1790 et 1792,
Saint-Just défendait les intérêts de la commune contre le sieur Grenet dans l’affaire des communaux.
Ce qu’on appelle aujourd’hui le Château de Blérancourt, n’est en réalité que la porte d'entrée et les dépendances du vrai château que les yeux de Saint-Just
et ses contemporains ont vu. Après la révolution, le palais abandonné fut détruit petit à petit par les Blérancourtois, les pierres de ses murs étant fort utiles pour la
construction des maisons au village et au voisinage. Une vente aux enchères des objets de l'intérieur a eu lieu au XIX siècle. Louise Saint-Just avait par
la suite habité dans l'un des deux pavillons, avant de se retirer définitivement chez son fils à Chauny.
Devant le château, il y avait une vaste place du Marais (place Leclerc actuelle en plus petit), qui a vu en 1790 la fête de la Fédération à Blérancourt. Comme on
le sait, Saint-Just n’y participait pas, délégué avec un détachement de la garde nationale à Paris pour les festivités. Il avait en revanche pris part à la
plantation d'un Arbre de la liberté le 13 mai 1792, et avait même invité l'assistance à l'accompagner chez lui pour y récupérer un buste de Mirabeau et lui
rendre hommage. Les liens de Mirabeau avec la cour ne seront découverts en vérité qu'en automne 92. En attendant, la famille Saint-Just, y compris les femmes,
avait prêté ce 13 mai le serment patriotique, avec tous les habitants du village.
À proximité il y avait rue Neuve (actuellement rue Ann Morgan) où logeait tout l’appareil administratif du château, comme par exemple, son régisserur,
le notaire Antoine Gellé, père de Thérèse.
Pendant la guerre 1914-1918, l’ensemble du château a beaucoup souffert, et même aujourd’hui on peut voir sur ses murs les traces des balles. Le château
abritait alors l’hôpital militaire américain, avec Ann Morgan à sa tête, et est devenu par la suite le Musée national de la coopération franco-américaine.
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LA MAIRIE ET LA PLACE DU MARCHE |
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Au temps de Saint-Just, il y avait à l'emplacement exact de la mairie, l'ancienne halle sous les arcades de laquelle il y avait un marché ordinaire, et à l'étage,
se situait la salle de la mairie, surmontée d'un clocher dont les sons servaient à annoncer l'ouverture et la fermeture des marchés ou les débuts des réunions
et fêtes. Il n'est pas interdit de croire que Saint-Just connaissait bien le chemin de la mairie et son intérieur, puisque le maire Honnoré était l’un de ses alliés,
et le secrétaire municipal n’était personne d’autre que Victor Thuillier, son très bon ami...
Sur la place du Marché devant la halle (actuellement place de l’Hôtel de ville) se tenait le premier mercredi de chaque mois le marché franc où l’on vendait
du bétail, principalement des moutons. Ce fut pour le village une source importante de richesse car on y amenait parfois jusqu’à 500 têtes. C’est à ce fameux
marché franc que l’on doit la première lettre de Saint-Just à Robespierre du 19 août 1790 où ce dernier est supplié d’intervenir contre le
projet de le transférer de Blérancourt à Coucy. On ignore si Robespierre avait fait quelque chose, mais le marché resta à Blérancourt.
Sur la place devant la mairie avaient lieu parfois les cérémonies patriotiques, comme la fameuse scène du 15 mai 1790 lorsque Saint-Just a prêté le
serment patriotique tenant la main dans les flammes d’une braserie où brûlaient des libelles contre-révolutionnaires.
L'ancienne halle menaçant de s'effondrer, elle fut rasée en 1848. Le bâtiment actuel de l’hôtel de ville, achevé en 1854, est construit conformément aux plans
anciens, à un détail près: en 1914 un escalier de parade est construit donnant sur la place, alors qu'avant, comme au temps d’Antoine, on y accédait par une
entrée située sous les arcades. En outre, les figures du fronton rappellent les richesses du pays: les moutons, la laine, les tissus, les artichauts..., le
tout surmonté d'une corne d'abondance.
Depuis le 11 mai 2009, un buste de Saint-Just est installé au pied du grand escalier de la mairie donnant
sur la place. Le revolutionnaire en bronze regarde sur l'ancienne place du Marais, témoin des manifestations patriotiques dont il était un acteur et un auteur passionné;
ainsi Antoine revient symboliquement sur les lieux où avait débuté sa carrière politique.
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LE MOULIN VERT ET LE COUVENT DES FEUILLANTS |
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En 1661, Bernard Potier décide de fonder dans le fief Fourcroy (XV siècle), un orphelinat à la place de l'ancienne maladrerie. Ce fut la première
fondation d'enfants reconnue par le roi.
La veille de la révolution, l’orphelinat était aux bons soins des nonnes du couvent des Feuillants, jusqu’en 1792, date de l’abolition des congrégations.
Devenu alors bien d'état, l'Hôspice des orphelins fut géré par une commission de municipalité, dont les Blérancourtois se disputaient les places.
La fonction d'administrateur fut quelque temps remplie par Thuillier-père avant que Thorin-père ne la lui enlève. A son décès, François
Thorin prend la relève, puis c'est le tour de Decaisne, le beau-père de Saint-Just, d'être l'administrateur. L'étude de Decaisne était d'ailleurs siteé
en face de la maison Fourcroy et voisine de la demeure des Thorin.
Après le deuixème guerre, l'orphelinat redevient la propriété de la Fondation de Blérancourt administrée par les descendants de la famille Potier,
mais la Fondation n'a pas assez d'argent pour l'entretenir... Il a donc été repris en 1957 par l'Association "le Moulin Vert" qui y installe une structure
d’accueil pour les enfants présentant un handicap mental. Ainsi, durant plus de trois siècles et jusqu'à nos jours, le fief de Fourcroy avait gardé sa destination initiale.
Quant au couvent des Feuillants, il n’en subsite aujourd'hui rien outre la porte d’entrée. Le 20 octobre 1790, à la chapelle auprès du monastère, ont eu lieu
les élections du juge de paix de canton. Saint-Just et ses partisans ont fait alors une tentative de ne pas laisser l’accès à ce poste aux représentants de
l’administration féodale, ou plus concrètement, à Gellé et à Thorin. Mais l'assemblée étant sans cesse perturbée par des rixes entre les deux partis passant
vite à des voies de fait, les représentants du district ont décidé de transférer les élections à Chauny où le 7 décembre le sempiternel Thorin s'est vu élire juge de paix.
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EGLISE SAINT-PIERRE-ES-LIENS |
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Érigée comme il sied bien, à l’endroit le plus haut du village, ses pierres datent du XII siècle et le décor, portant les armes des familles de Lanvin et de Sanguin,
alors les seigneurs de Blérancourt, du XVI siècle. Endommagée pendant la guerre 1914-1918 (l’autel est resté intact mais la partie majeure de la nef était
en ruines), l’église a été restaurée. Les croyants peuvent toujours y prier Saint-Pierre ès liens. Les époux Potier de Gesvres sont inhumés près de l’autel, et une
plaque indique le tombeau de Robert de Fourcroy décédé en 1628.
Puisqu'il n’y avait pas d’autre église à Blérancourt (à part la chapelle des Feuillants), c’est bien ici que la famille Saint-Just venait avec les autres
paroissiens écouter la messe du dimanche. Si Antoine n’était pas un catholique fervent, on ne peut dire la même chose de sa mère qui était très pieuse.
Le 25 juillet 1786 on célébrait à l'église Saint-Pierre un mariage très pompeux: ce jour, en présence de tous les notables du coin et même des Grenet venus
exprès de Lille, François Thorin avait mené Thérèse Gellé à l'autel. C'est ici également que se marièrent le 11 février 1790, la soeur de Saint-Just Louise et
Emmanuel Decaisne.
Pendant la révolution, l'église a été le lieu de toutes les élections; participant à ces rassemblements, le citoyen Saint-Just marchait donc sur les vieilles
dalles de la nef restant de l'époque. Sous cette voute, le 26 août 1792, s'est tenu le premier tour des élections à la Convention, et l'écho répétait sous la voûte
le nom du candidat "Louis Antoine Saint-Just". La veille, il a enfin eu ses 25 ans tant attendus...
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L'AUBERGE LA CROIX BLANCHE |
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Pierre Thuillier, le père de Pierre-Victor Thuillier-jeune, ami fidèle d'Antoine, tenait à Blérancourt une auberge "La Croix Blanche". L'hôtellerie lui apportait des revenus
assez moyens, et pour cause: les listes de recensement du bourg de 1796 mentionnent en effet 35 aubergistes et cabaretiers, donc "La Croix Blanche" devait soutenir
une rude concurrence!
Même si Victor Thuillier, hébergé chez ses beaux-parents, n'y habitait pas à l'époque de la révolution, l'auberge était naturellement un lieu de rassemblement des partisans
de Saint-Just. C'est aussi de là qui sont partis un groupe de jeunes qui en décembre 1789 provoquèrent des troubles sur le marché de Blérancourt en taxant le prix du blé.
Saint-Just n'en faisait pas parti et n'en revendiqua pas l'initiative, mais on peut supposer avec assurance qu'il avait bien d'autres occasions de s'attabler à l'hôtellerie du père
de son meilleur ami.
D'après l'historienne M.-A. Charmelot, "La Croix Blanche" se trouvait à l'emplacement du bar-tabac actuel "La Tête noire", aujourd'hui unique café de Blérancourt.
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