Il n’est guère secret que les détenants du pouvoir n’ont jamais été très attachés à la sauvegarde de l’héritage de la Révolution, surtout s’il était lié aux
noms de Robespierre ou de Saint-Just. C’était donc toujours aux simples citoyens de s’engager pour le préserver. C’est ce qu’a fait un groupe d’enthousiastes
passionnés par Saint-Just rassemblés autour de l’historien Bernard Vinot, en sauvant, dans le sens direct du mot, la maison de Saint-Just à Blérancourt de la
ruine, et sa mémoire, de l’oubli.
Ce n’était point la première fois que l’idée de restauration faisait surface. La première tentative d’inscrire la maison au patrimoine date de 1938, classée
sans suite… D’autres démarches sont entreprises juste après la guerre, qui n’aboutiront pas non plus. En 1974–75, un projet bien ficelé est porté par Madame
Hélène Leduc, mandatée par la Société des Études Robespierristes, mais lui aussi avait échoué faute de volonté politique favorable.
Néanmoins, la nouvelle association était résolue de mener à bien son action, sous les auspices du futur bicentenaire de la révolution. Un projet muséographique
élaboré par elle prévoyait la reconstruction du milieu de vie des Saint-Just dans les trois pièces du rez-de-chaussée plus une exposition permanente sur le
parcours historique du Conventionnel dans les combles aménagés, et l’installation d’une bibliothèque municipale comportant un fonds sur la révolution française
dans la grande salle. Il était prévu que la municipalité se porterait acquéreur de la demeure et prendrait en charge les travaux de restauration, l’association
se chargeant d’assurer une campagne publicitaire en faveur de l’opération auprès des personnalités et du public, d’élaborer les programmes d’exploitation
historique et culturelle de la future maison-musée, d’accompagner certaines démarches administratives, mais également de rechercher des solutions financières
le cas échéant.
Ce projet était en 1985 plus qu’audacieux car à l’époque, la maison avec ses quatre murs et un toit partiellement percé, était la propriété privée d’un fermier
voisin l’utilisant comme remise pour ses outils agricoles. Ne voulant point céder ce local qui lui était fort utile, ce n’est que quatre ans après, suite à
de nombreuses négociations et l’engagement d’une procédure d’expropriation, qu’il signera avec la mairie, l’acte de vente de la maison, un 25 août 1989. Ce
jour là, Saint-Just recevait sa propre maison comme cadeau d’anniversaire, et la maison recevait en cadeau un avenir meilleur.
Les travaux ont duré 7 ans. Il fallait restaurer le plus fidèlement possible, l’extérieur de la maison et préserver les fragments du bâtiment – peu nombreux,
malheureusement, qui étaient en place du vivant de Saint-Just : l’escalier, la plaque de cheminée, les poutres apparentes au salon. Mais surtout, les travaux
ont épuisé toutes les réserves de la mairie et les subsides de la région. Les banques proposaient des prêts alors qu’il fallait un don… Dès 1993, l’Association
fut contrainte de se substituer à la commune défaillante et de s’engager financièrement. Elle le fit à hauteur de 140 000 F. pour la deuxième tranche et de
23 000 F. pour la troisième. Nul doute n’est permis : sans la générosité des adhérents de l’Association et sans cette volonté énergique et cette persévérance,
la maison de Saint-Just aurait disparue…
Mais voilà que le grand jour du 29 juin 1996 est arrivé! Ce jour, en présence des Blérancourtois, de leurs voisins, des représentants de l’administration régionale
et de nombreux amis de l’association venus de tous les coins de France, y compris plusieurs historiens de la révolution, Bernard Vinot a pu couper le ruban
bleu-blanc-rouge ouvrant la porte du nouveau musée de Saint-Just, la grande action de sa vie.
Depuis, les objectifs se sont affinés et la destination culturelle de la maison s’est précisée. L’installation d’un centre d’études et de réflexion sur la
Révolution française a paru préférable à celle d’un musée de tradition populaire. Outre l’exposition permanente consacrée à la vie de Saint-Just, les murs
de la maison-musée abritent l’office du tourisme de Blérancourt, ainsi qu’une bibliothèque pour la jeunesse et un centre informatique dans la mansarde et
qui a pour avantage de l’ouvrir quotidiennement et gratuitement à tous.
L’Association continue d’assurer le soutien historique et culturel du musée, organise des expositions et participe à l’élaboration des projets culturels de
la région. Elle chérit l’idée que «la maison de Saint-Just devienne un espace attrayant et fréquenté « au service de l’esprit». Depuis 2008, une équipe
travaille à la totale rénovation du musée pour qu'une nouvelle présentation, ambitionnant l'introduction des moyens audiovisuels modernes, sera mise en place
dès juin 2010.
La maison la veille de l'ouverture
Festivités de l'inauguration. Les ballons portant chacun une citation de Saint-Just, s'envolent vers le ciel
Mise en ligne: 13 novembre 2009
La photo noir et blanc provient de la plaquette «La maison de Saint-Just» éditée par l’Association en 1997 (®Azimut Studio). Les deux
autres sont prêtées par M. B. Vinot